
Migration : entre diversité culturelle, plurilinguisme & développement durable
Éditorial
À toutes les personnes décédées dans la Méditerranée en quête de l’Eldorado !
La problématique de la migration des hommes et des peuples a toujours existé en Afrique et partout dans le monde. De tout temps, l’humain a senti le besoin de migrer vers des ailleurs plus propices à la sécurité, au commerce, à l’extension du patrimoine, au tourisme, au confort, etc. C’est pourquoi Ban Ki-Moon (Secrétaire général de l’ONU de 2006 à 2017) estime que la migration est l’expression de l’aspiration humaine à la dignité, la sécurité et un futur meilleur. Elle fait partie du tissu social, de notre construction en tant que famille humaine. Revenant sur les raisons de la migration, Denis Drechsler et Jason Gagnon (2008, p.74) affirment que les individus migrent pour différentes raisons. Leur déplacement peut être forcé, pour cause de conflit, de politique migratoire, de dangers environnementaux ou technologiques, de maladie ou de déportation politique. Mais l’émigration est dans la majorité des cas une décision personnelle ou familiale prise pour un motif économique. Aujourd’hui, la traversée massive de la méditerranée par des Africains (majoritairement d’Afrique subsaharienne) pour l’Europe alimente de plus de plus le débat dans la classe politique, des experts, des universitaires.
Le présent numéro, Akofena Spécial n°4 regroupe les contributions issues de l’appel à contribution portant sur : « Migration : entre diversité culturelle, plurilinguisme et développement durable ». Les apports scientifiques acceptés pour publication se résument en quatre axes :
- Migration et développement durable
- Contact de langues
- Enseignement – apprentissage en milieu plurilingue
- Varia
Gbouhonon Naounou JUDITH a conduit une réflexion sur la construction d’une hermeneutique du vivre ensemble à partir de la pensée du philosophe Paul Ricoeur. L’étude de JUDITH vise à montrer comment chez Ricœur se développe une éthique et une politique de l’imagination afin de garantir les conditions de son exercice pour la construction du vivre-ensemble. En effet, le vivre ensemble est mis à mal par des tensions nées des flux migratoires. Des chercheurs ont tenté de donner les raisons de migration de populations vers d’autres horizons. L’une des raisons réside dans les questions sécuritaires perceptibles surtout au niveau des villes frontalières. C’est le constat fait par Hyacinthe ATANGANA BAMELA et Joseph Pierre NDAME à travers l’article « Crises sécuritaires, mobilités transfrontalières et dynamique des marchés spontanés entre ville et campagne dans l’arrondissement de Touboro (nord-Cameroun) ». Selon les auteurs, les tensions sécuritaires ont pour nom mobilité de proximité et crises socio-économiques. Ces faits impactent les espaces marchands entre ville et campagne dans l’arrondissement de Touboro, une petite unité administrative qui partage sa frontière internationale avec le Tchad et la RCA (République Centre Africaine). La contribution scientifique de Koffi Armand YAO aborde les mêmes préoccupations sécuritaires. En effet, dans une option idéologique, l’analyse de l’auteur fait de la migration, le ferment de l’insécurité et vice-versa. Egalement, à la recherche des causes du phénomène migratoire en Afrique, Patrice N’DRI KOUADIO estime que celles-ci doivent être recherchées du côté des offres magico-religieuses que les leaders religieux utilisent pour reconstruire la certitude du succès chez les migrants ivoiriens en déconstruisant leurs incertitudes. Pour Saadou ABOUBACAR et Bizo BETOU expliquent que le déplacement des populations est, dans certains cas, le résultat la pénurie alimentaire occasionnée par le changement climatique. A cet effet, Kouadio Joël-Henri Gilles ALOKO-N’GUESSAN interpelle les médias sur le traitement démesuré du phénomène de la migration en Afrique et précisément en Côte d’Ivoire. Il part de l’hypothèse que la représentation de la migration dans les médias ivoiriens est orientée par la politique migratoire de l’UE vis-à-vis de l’Afrique. Les questions migratoires ne concernent pas que le continent africain. Et les mêmes problèmes sont perceptibles à tous les niveaux. Aussi, Mohamed Saleh MOHAMED SALEH ABEIH estime que, au lieu de les considérer comme un danger, les migrants constituent une chance pour le développement des pays européens. A la recherche de solutions, Mbaye DIOP propose de freiner le phénomène migratoire des Africains vers l’Europe par la mise en place de politiques d’investissement claires et l’intégration des migrants au processus de développement des pays d’accueil. Dans des contributions différentes, Settié Louis Martial Junior N’GUESSAN & N’goran Didier BROU, Yao Cebastien KOMENAN, ZADI Esther Gisèle Epse GOUAMENE et Kouadio Djéban YEBOUA estiment que la migration bouleverse la vie des personnes appelées au départ, car celles-ci doivent faire face à un dilemme identitaire culturel et linguistique.
Si la question de la migration touche à plusieurs secteurs de la société, celle relative aux contacts des langues se pose aussi avec acuité. « Introduite par U. Weinreich (1953), la notion de contact de langues inclut toute situation dans laquelle une présence simultanée de deux langues affecte le comportement langagier d’un individu (Moreau, 1997) ou d’une communauté linguistique » (Joao Fernandes, 2014). Aly TRAORE fait savoir que le contact entre le français standard et les langues locales dans l’œuvre Koudjrouzea Yayaye Pour un plaidoyer electoral de Rabe Liagro Charles est à la base de distorsions lexicales. Ces faits peuvent être vérifiés à partir des emprunts et des néologismes qui, selon l’auteur, sont des moyens de distorsions linguistiques. Au contraire, pour Amadou SAÏBOU ADAMOU & Abdou Moumouni ISSOUFOU, les contacts de langues peuvent être bénéfiques dans la narration de récits épiques. Ainsi, l’hyperbole, marque rhétorique du grossissement est au service de l’épique. Dans le même ordre d’idées, Yao Charles BONY & Koffi Aurélien KOUASSI montrent que les contacts de langues sont source de création voire d’innovation linguistique.
Les contributions ont également porté sur la thématique de l’enseignement-apprentissage en milieu plurilingue francophone. A ce sujet, Ibrahima DIAWARA, Kakou Marcel VAHOU et Yassia MANDÉ diagnostiquent les pratiques, les attitudes et les contacts de langues observées en contexte de partage de connaissances dans des écoles africaines francophones. Selon les résultats, la non prise en compte de l’enseignement des méthodes plurilingues fait que les enseignants font recours dans les classes bilingues, à des pratiques d’articulation de L1 et L2 qui nuisent à la qualité de l’acquisition du français par les apprenants. En outre, l’introduction des langues nationales dans les activités éducatives semble buter sur des difficultés qui empêchent leur généralisation dans toutes les structures éducatives. Dans la section varia, Ahou Florence AGNEY porte un regard sur le message du 19 janvier 2020 des évêques catholiques pour des élections apaisées en Côte d’Ivoire par la presse quotidienne. Dans sa contribution, Aïssata SOUMANA KINDO montre que les contes constituent un levier de formation et d’encadrement dans une perspective didactique. A partir de l’analyse de procédés stylistiques et grammaticaux d’un groupement de textes, Anatole BERE montre que la construction du sens desdits textes tourne autour de l’image de la femme africaine que des auteurs présentent comme soumise et docile mais aussi celle qui sait se révolter. D’autres la décrivent plutôt comme une femme traditionnelle mais vénérée et respectée. Apollinaire SÉLÉZILO s’est proposé de décrire les différentes fonctions que pourraient assumer les unités tonémiques des langues du groupe Gbäyä de la République Centrafricaine, mais également de déterminer la paternité de ces mêmes unités tonémiques. Les textes de Yayo Vincent DANHO, Yapo Elian Estel YAPI, Raphael Yao KOUASSI, Paul Hounsa AIKPO, Koffi Noël BRINDOU, François MBARGA et Drissa SANOGO font une incursion dans la littérature négro-africaine d’expression française. Aly SAMBOU, Omar DIOP et John KADJUNGA s’intéressent aux mesures sanitaires pour freiner la propagation de la Covid-19 surtout dans le domaine de la recherche scientifique et de la traductologie. Les travaux de Olga Thérésia Nzémo BIYOGHE et Paul Hounsa AIKPO s’inscrivent dans les domaines de la didactique et de l’alphabétisation.
Coordinateurs du numéro spécial n°4, Novembre 2020
- Jean-Martial TAPE
- Amoikon Dyhie ASSANVO
- Kouakou Appoh Enoc KRA
Contenu du Spécial n°4, Novembre 2020
Couverture/ Sommaire (à télécharger)
SECTION: MIGRATION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
01-Gbouhonon Naounou JUDITH
Le travail de l’imagination dans la construction d’une herméneutique du vivre-ensemble
02-Hyacinthe ATANGANA BAMELA & Joseph Pierre NDAME
03-Issoufou YAHAYA & Abou MOUNTARI
Organisation politico-religieuse du gobir au xixeme siècle
04-Kouadio Joël-Henri Gilles ALOKO-N’GUESSAN
05-Mohamed Saleh MOHAMED SALEH ABEIH
Migration africaine et développement durable en Europe
06-Patrice N’DRI KOUADIO
Migration irrégulière et religions en Côte d’Ivoire
07-Saadou ABOUBACAR & Bizo BETOU
08-Yao Cebastien KOMENAN
Cultural hybridity and sustainable development in Tsitsi Dangarembga’s Nervous conditions
09-ZADI Esther Gisèle Epse GOUAMENE
Multilinguisme et développement durable : les enjeux d’une préservation des langues minoritaires
SECTION: CONTACT DE LANGUES
10-Aly TRAORE
11-Amadou SAÏBOU ADAMOU & Abdou Moumouni ISSOUFOU
L’hyperbole dans le discours épique de Djado Sekou : ornement discursif et mémorial identitaire
12-khadija BENTHAMI
Penser le métissage dans le récit d’enfance judéo-maghrébin : Quelles mémoires ? Quels héritages ?
13-Yao Charles BONY & Koffi Aurélien KOUASSI
SECTION: ENSEIGNEMENT – APPRENTISSAGE EN MILIEU PLURILINGUE
14-Ibrahima DIAWARA
15-Kakou Marcel VAHOU
16-Koffi Armand YAO
Migration et crise sécuritaire dans Sauve-qui-peut à Kaboul 1 de Gérard de Villiers
17-Kouadio Djéban YEBOUA
18-Mbaye DIOP
La migration clandestine dans la littérature africaine francophone, quelles solutions ?
19-Settié Louis Martial Junior N’GUESSAN & N’goran Didier BROU
20-Yassia MANDÉ
Multilinguisme et implémentation du bilinguisme dans le système éducatif burkinabè
SECTION : VARIA
21-Ahou Florence AGNEY
22-Aimé THIEMELE
La ponctuation entre norme et liberté
23-Aïssata SOUMANA KINDO
Les contes de Boubou Hama ou la transgression comme un outil didactique
24-Aly SAMBOU
25-Anatole BÉRÉ
26-Apollinaire SÉLÉZILO
Fonctions et paternité des unités tonémiques des langues du groupe gbäyä de Centrafrique
27-Drissa SANOGO
28-François MBARGA
29-Joël MAHAN
Dynamique des activités ludiques dans le processus d’acquisition du français au cycle primaire en Côte d’Ivoire
30-Koffi Noël BRINDOU
Writing Africanity in Ayi Kwei Armah’s The Resolutionaries
31-Lawa Privat GNAGBEU
Les troubles du développement du langage : formes et manifestations
32-Olga Thérésia Nzémo BIYOGHE
33-Paul Hounsa AIKPO
Impacts de l’alphabétisme des langues nationales dans le développement au Bénin
34-Raphael KOUASSI YAO
Aspects du Romantisme dans La Mare au diable de George Sand (1846)
35-Yapo Elian Estel YAPI & Yapi Lambert OSSEY
Place et fonctions de la musique dans une société de marionnettes : l’exemple des Bamanan
36-Yayo Vincent DANHO